Presentation

1815

[69] Il fut fait diacre en 1815.

1816

[70] Et après une longue et sérieuse préparation, il fut ordonné prêtre par Mgr. Dubourg, évêque de la Nouvelle Orléans, délégué par le cardinal Fesch, alors exilé, le 22 juillet 1816. Il avait alors 27 ans et 2 mois.

[71] 50 prêtres furent ordonnés avec lui parmi lesquels nous citons: M. Jean-Claude Colin, élu supérieur des Pères en 1836, MM. Terraillon et Déclas, morts Pères Maristes, M. Jean-Claude Courveille, dont nous aurons à parler, MM. Verdier, curé archiprêtre de Bourg-Argental et Brunel, curé de Saint-Martin-en-Haut qui trouvèrent nos Frères établis dans leurs paroisses, MM. Dumas, curé d'Usson, Balmont, curé de Saint-Martin-la-Plaine et Montagneux, curé archiprêtre de Chasselay qui les établirent dans leurs paroisses, M. Chirat, curé archiprêtre de Neuville qui les y trouva en arrivant. Si Mgr. Donnet, mort cardinal-archevêque de Bordeaux, Mgr. Dufêtre qui fut évêque de Nevers, Mgr. Pompallier, mort évêque d'Aukland, et M. Dorzat qui établit nos Fères à Saint-Symphorien d'Ozon, ne furent pas ordonnés avec le vénéré Père, ils durent l'être peu avant ou après, car ils se disaient ses condisciples en demandant de nos Frères plus tard.
[72] De ces nombreux ecclésiastiques, la plupart avaient plus de talents et avaient fait des études plus brillantes que notre pieux Fondateur. Néanmoins, nous osons dire qu'aucun d'eux ne fut plus humble, plus ancré dans l'esprit de foi, dans la confiance en Dieu, dans la dévotion à la Sainte Vierge que lui. Aucun d'eux, croyons nous, n'a fait un bien plus réel, plus étendu et plus durable.

Face à l'avenir

[73] Avant de quitter Lyon, l'abbé Champagnat qui s'était chargé seul de l'oeuvre des Frères, n'oublia pas d'aller consacrer sa personne et son projet, une fois de plus, à Celle qu'il allait désormais appeler sa Ressource Ordinaire. Il le fit en ces termes:
[74] "Vierge Sainte, c'est vers vous comme vers le trésor des miséricordes et le canal des grâces que j'élève mes mains suppliantes, vous demandant avec instance de me prendre sous votre protection et d'intercéder pour moi auprès de votre adorable Fils, afin qu'il m'accorde les grâces qui me sont nécessaires pour faire un digne ministre des autels. C'est sous vos auspices que je veux travailler au salut des âmes. Je ne puis rien, ô Mère de miséricorde! je ne puis rien, je le sens, mais vous pouvez tout par vos prières! Vierge sainte, je mets toute ma confiance en vous. Je vous offre, je vous donne et vous consacre ma personne, mes travaux et toutes les actions de ma vie."
[75] Résolu à se tenir toujours sous la main de la Providence et sous la protection de la divine Mère, l'abbé Champagnat se garda bien d'imiter ceux de ses condisciples qui manoeuvraient pour se faire placer dans des postes commodes, avantageux et proches de leurs parents. Il se tint simplement à la disposition de ses supérieurs, tout décidé à se sacrifier dans le poste qu'ils lui assigneraient, quelqu'il fût. Ils le nommèrent vicaire à Lavalla dont M. Rebot était déjà curé. Cet ecclésiastique était bègue, il avait fait ses études en des temps difficiles, c'est-à-dire maigrement. Aussi se contentait-il de donner quelques avis à ses paroissiens, sans monter en chaire. C'est dire que son nouveau vicaire, arrivé le 12 août 1816, aurait largement de quoi exercer son zèle. L'étape suivante va nous dire le reste.

DEUXIEME ETAPE

de 1816 à 1825

Sommaire: Lavalla. Le bon Père fait ses premières armes. Son curé. Son zèle. Ses premières acquisitions. Ses premiers disciples.

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1816

Le village de Lavalla

[1] Le bourg de Lavalla est situé à 670 mètres d'altitude, au sud et à 8 km. de Saint-Chamond. La population est de 2000 habitants. Dans les gorges où coulent le Gier et le Ban, est situé le territoire communal. Sa position excessivement accidentée est assez agréable en été. On y voit de hauts sommets groupés autour du Pilat, couverts de bois et parsemés de blocs de rochers, surplombant les uns sur les autres des ravins effroyables creusés par le Gier depuis le Pilat où il naît jusqu'à la vallée qu'il enrichit.
[2] A quelques distances du bourg, le Gier forme une cascade superbe, vulgairement appelée: le saut du Gier. Cette rivière, arrivée là à travers des rochers des arbres et autres accidents presque infranchissables, se précipite dans un fond de 33 mètres, et offre un magnifique coup-d'oeil, à l'observateur.
[3] Lavalla présente encore une particularité fort rare: sur son territoire et dans l'intérieur du bourg il n'existe pas 10 mètres carrés de niveau. Partout le terrain est plus ou moins incliné et peu de communes peuvent offrir aux touristes une telle topographie. L'église qui existait en 1816 était la plus ancienne des environs. Elle datait de 1005. C'était une pauvre masure, une véritable étable de Bethléem. Ses trois cloches avaient été fondues sous Henri III. Elles existent encore. L'une d'elles porte une inscription gothique complètement illisible.
[4] Au sud du territoire on voyait encore il y a trente ans, les ruines de l'antique château appelé Thoil qui avait appartenu à la maison de Tournon et qui passa ensuite à Jean II, Seigneur de Saint-Chamond, en 1526, par son mariage avec Jeanne de Tournon. Le territoire est peu fertile. Comme dans tous les environs, la couche de terre végétale est mince sur les hauteurs, de 50 à 60 centimètres à mi-côte et de 60 à 75 au fond des vallées. Les productions consistent en pommes de terre, en céréales et en fourrage. Les forêts de pins, de sapins, de hêtres et de chênes, autrefois la richesse de pays, ont disparu en grande partie depuis un siècle.
[5] Les excellentes eaux du Gier favorisent l'industrie. Aussi son cours est-il garni de fabriques, de teintureries, d'usines métallurgiques, de Lavalla à Givors. Sur le Ban, un de ses affluents, la ville de Saint-Chamond a fait construire un immense barrage, il y a 20 ans. Elle a ainsi créé un lac contenant en moyenne 2 millions de mètres cubes d'eau dont elle se sert pour alimenter ses fontaines publiques et les maisons aisées depuis que l'industrie a sali les eaux de la rivière. Le gaz de la ville arrive à ce barrage.
[6] L'ancienne église, dans laquelle le pieux Fondateur déploya son zèle, fut remplacée en 1844 par un beau monument gothique, à 3 nefs, avec de magnifiques vitraux et une belle ornementation. Cette superbe église fait honneur aux paroissiens ainsi qu'à M. le curé Bedoin sous lequel elle fut construite. Elle ferait belle figure dans une grande ville. Après cette description nous reprenons le fil de notre récit.

Règlement du jeune vicaire

[7] L'âpreté du territoire et des chemins, la rigueur du climat en hiver, l'étendue de la paroisse, le genre de M. le Curé Rebot, n'effrayèrent point M. l'abbé Champagnat, mais la malpropreté et le délabrement de la maison de Dieu le firent gémir. Il la badigeonna aussitôt de ses propres mains. Dès son arrivée, il s'imposa le règlement qui va suivre et l'observa exactement pendant son vivant, se levant tous les jours à 4 heures.
[8] 1 Je ferai tous [les] jours au moins une demi-heure d'oraison et, autant que possible, en me levant et avant de sortir de ma chambre.
2 Je ne ferai jamais l'oraison que je n'en ai prévu le sujet et que je ne m'y sois bien préparé.
3 Je ne dirai jamais la sainte messe que je n'aie fait auparavant un quart d'heure au moins de préparation. Après la sainte messe, je consacrerai de même un quart d'heure au moins à l'action de grâce.
4 Je lirai une fois tous les ans les rubriques du missel.
5 Dans le courant de la journée j'irai toujours faire une visite au Saint-Sacrement et à la Sainte Vierge.
6 Toutes les fois que je sortirai pour aller voir un malade ou pour quelque autre affaire, j'irai encore visiter le Saint-Sacrement et la Sainte Vierge. Je ferai de même une visite au retour pour remercier Dieu des grâces qu'il m'aura faites et pour lui demander pardon des fautes que je pourrais avoir commises.
7 Je ne manquerai pas tous les soirs de faire mon examen de conscience.
8 Toutes les fois qu'à mon examen je me reconnaîtrai coupable de quelque médisance, je me donnerai trois coups de discipline. Je ferai de même quand je reconnaîtrai avoir dit quelques paroles de vanité.
9 J'étudirai tous les jours la théologie pendant une heure.
10 Je ne ferai aucune instruction que je ne l'ai préparée.
11 Je me souviendrai sans cesse que je porte Jésus dans mon coeur.
12 Je me tiendrai en la présence de Dieu dans toutes mes actions et je fuirai avec un très grand soin la dissipation.
13 Je m'appliquerai d'une manière particulière à la vertu de douceur et, pour gagner plus facilement le prochain à Dieu, je traiterai tout le monde avec une grande bonté.
14 Je consacrerai une partie de l'après-dîner à la visite des malades de la paroisse s'il y en a.
15 Pour les repas, la manière de prendre ma récréation et de faire les autres exercices de la journée, je me rapprocherai autant qu'il dépend de moi du règlement du grand séminaire.
16 Après ma messe, j'entendrai les personnes qui désireront se confesser. Le reste de la matinée sera consacré à l'étude si je ne suis pas pris par quelque fonction de mon ministère.
17 Je lirai ce règlement et ces résolutions une fois tous les mois.
18 Toutes les fois que je manquerai à quelqu'un des articles relatifs aux exercices de piété, je me donnerai la discipline en union aux souffrances de Jésus-Christ. Par là, je prétends faire un acte d'amour et un acte de foi et je prierai la Sainte Vierge de faire agréer elle-même cette chétive action à la T.S. Trinité.
[9] Avec un tel règlement, avec son caractère ferme, avec l'esprit de foi, la piété, l'humilité, l'abandon à la Providence et la dévotion filiale à la Sainte Vierge, dans lesquels il s'était déjà distingué et qu'il pratiqua mieux encore désormais, le nouveau vicaire ne pouvait manquer de faire un grand bien à cette population bien disposée, mais ignorante.

Son plan d'action

[10] Nous avons dit que M. Rebot ne pouvait pas prêcher. Cette cause, jointe au grand éloignement de la plupart des hameaux, perdus dans les ravins et les vallées profondes qui sillonnent la paroisse, jointe aux chemins impratiquables surtout en hiver, et l'absence d'école pour les garçons, avait produit une grande ignorance parmi les paroissiens. M. Champagnat gagna bientôt leur estime par sa régularité, son excellent caractère et ses bons procédés à leur égard. Il se chargea des catéchismes et les fit avec un grand zèle. Les adultes ne tardèrent pas à y assister le dimanche. Il visita fréquemment les malades au prix des plus grandes fatigues. Il disait lui-même ensuite, en riant, que la réunion des sueurs qu'il avait répandues en parcourant la paroisse, aurait formé un volume d'eau suffisant pour s'y baigner. Il fut toujours très soumis à son curé, n'entreprit rien sans le consulter et lui rendit tous les services qu'il put.
[11] Trop persuadé que sa paroisse contenait de nombreux et excellents vignobles, M. Rebot s'abreuvait en conséquence. Des hommes sérieux assurent qu'il voulut forcer son vicaire à boire comme lui, que la santé du clergé ne pouvait être suffisante qu'en aidant fortement les vignerons à écouler leurs produits. Le jeune vicaire n'en crut rien et résista passivement. Pour détromper son curé, il lui fit de respectueuses observations. Il alla même jusqu'à ne boire que de l'eau pendant plus d'une année. Il réussit imparfaitement et ne put faire mentir le proverbe: qui a bu, boira.
[12] Ses instructions simples, mais pratiques, sa bonté ferme au confessionnal, son assiduité à visiter les malades et à tonner contre les abus, changèrent bientôt la face de la paroisse. Les mauvais livres disparurent, l'ivrognerie et les danses cessèrent, mais cela lui coûta de grandes fatigues et l'exposa souvent à de grands dangers.